Extrait de la série "Selections of curiosities"
copyrights Natacha Paganelli&Thomas Lang
"Loin du photojournalisme, les photos de Natacha Paganelli et de Thomas Lang interpellent et demandent au spectateur de s’investir, de se remettre en question.
Dans un petit troquet en bordure de Belleville, je retrouve Natacha Paganelli qui me dévoile la maquette de son prochain livre, «Selections of curiosities», qui rassemble ses photos prises en Serbie avec son acolyte de dix ans, Thomas Lang.
«La situation de la Serbie est paradoxale», m’explique t-elle, « et c’est pour cela qu’elle m’attire. Bien qu’elle fasse partie dudit continent européen, la Serbie est un pays marginalisé. Où le temps est suspendu depuis l’épisode de la guerre. Elle est aujourd’hui confrontée aux défis de la modernité et reste en même temps très mal perçue par le monde occidental. Lors de nos premiers voyages au Liban, Thomas et moi avions pris l’habitude de traverser les Balkans en voiture sans jamais nous y attarder réellement. Nous voulions faire halte et explorer la région.»
Pendant l’hiver 2005, ils s’installent en résidence d’artiste à Novisad, ville située près de Belgrade. De là, les deux diplômés de l’École des Arts Décoratifs de Strasbourg sillonnent, observent et photographient le nord de la Serbie en pleine reconstruction. Conçues comme des fictions, leurs photos représentent les élans contradictoires d’une après-guerre avec ses blessures, et ses espoirs, ses silences, ses réminiscences:
«Nos images traitent de la réalité serbe en prenant comme décors des intérieurs et des paysages assez caractéristiques. Mais elles parlent avant tout d’une société en suspens, regorgeant d’une énergie qui ne sait vers où ni quoi s’orienter.»
Lorsqu’ils arrivent dans un nouveau pays, Natacha et Thomas renouent avec leurs années de théâtre en imaginant des mises en scène. « Ce qu’il y a d’intéressant dans la mise en scène c’est que l’on peut créer des images de toutes pièces. On peut jouer sur la frontière entre le réel et le symbolisme des photos et ainsi faire douter les gens». On est alors confrontés à l’éternelle question qui sous-tend leur photographie: Comment croire à l’image? «Avec Thomas, on aime bien réutiliser ou détourner les codes du photojournalisme ou de la pub. Par exemple, si à première vue, une photo peut relever du domaine de la pub, on discerne si on la regarde de près, des indices qui révèlent l’envers d’une mise en scène, l’improbabilité d’une telle campagne publicitaire, comme des arbres morts, un ciel orageux ou un pont détruit au loin. La photo décrit plutôt le portrait d’une jeunesse résistante à Milosevic, qui se tourne vers l’avenir et la modernité – malgré le froid et les difficultés quotidiennes.»
Extrait article publié dans le magazine "Icon", Camille Lacharmoise, automne 2007.
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